Dessins

Pointe Sèche – Pierre Noire

 

Entrer dans l’oeuvre de Catherine Escudié ne relève pas d’une démarche anodine, libre d’accès, sans effets, qui laissera le spectateur, le regardant, à l’abri. C’est un engagement, une implication, un investissement de l’être, qui mènent à une attraction-rétraction, voir à une addiction.

La série de dessins que nous découvrons ouvre une porte dans la psyché du créateur, dévoilant l’essence de son inspiration, traçant des fils conducteurs, révélateurs de l’engagement du graveur. Car Catherine Escudié est « essentiellement » un graveur et son dessin, livré aujourd’hui à nous, directement sur le papier, en constitue, en quelque sorte, la matrice de l’Oeuvre, l’absolu; comme si, libérée de la plaque de cuivre, des acides, de l’alchimie, Catherine Escudié, renonçant aux multiples pour l’unique, condensait son énergie et son message en confessions de l’âme, en cris où la sensibilité et la vibration, par la médiation de la pierre noire et des incisions en direct sur le papier, retentissent en de multiples appels, nouant des liens et des textures identitaires et intimes, narrant dans des messages personnels et pudiques toutes les attentes et les perspectives de l’humain, taisant aussi tous les non-dits et les interdits universels et privés.
Si le papier est souvent griffé, rayé, meurtri, le dessin est réalisé à base de pierre dite « noire » autres symboles… Le trait, mais nous devrions plutôt parler de ligne, de fil, car telle une texture ouvrée, l’oeuvre se lie, se noue, s’imbrique, se tisse et se détisse, construisant des univers que je qualifierais de textiles, des paysages en devenir, des écritures à déchiffrer, des signes qui sont appels, retenues.

 Une oeuvre énigmatique, très personnelle, une problématique dérangeante mais voulue par une artiste qui se confie et se livre dans une graphie codée, pudique, secrète. Comme il est dit en premier propos, une création forte, stimulante, qui ne peut pas indifférer le spectateur, qui ne laissera pas, à l’issue de ce parcours initiatique dessiné, indemne.

Philippe Manroubia – Directeur de la galerie municipale le Majorat

 

     Les volumes, les surfaces, les épaisseurs et les transparences, tout est fait de lignes. S’entrecroisant, se renforçant, se fondant ou s’opposant, elles forment la trame profonde de ce qui apparaît comme un matériau. Souvent presque invisibles, mêlées et légères, elles sont un réseau secret, une sorte de filet dans lequel l’oeuvre est prise au piège.

Tissage de fils de plusieurs vies entrecroisées dont chacune, dans sa tension rigoureuse, construit un macramé ténu : à l’exact point de rupture commence le tissage, aussi précis qu’indéchiffré. Tout de suite le trait juste, ou rien.

Les incisions sont profondes, et blanches comme des fils de bâti. La matière est de pierre noire, en surface.

Ainsi se présente le négatif du réel, qui est lieu de mémoire, si l’on entend par là cette mémoire immémoriale, « Mnémosuni » la Reine des Muses qui transforme et transpose.

Françoise VALON – Professeur de Philosophie